Tuesday, July 31, 2012

canada -Hypothèse du MER : Élections bourgeoises et démocratie populair


Hypothèse : Les élections qui seront déclenchées seront l’occasion privilégiée de porter un coup supplémentaire aux institutions et à l’ordre bourgeois.
 

Quel sens auront les élections dans le contexte de la crise actuelle ?
À qui peut profiter ce nouveau terrain de lutte politique ?
Est-ce l’occasion pour le peuple d’exercer son pouvoir, d’affirmer sa volonté démocratique, comme on le dit souvent ?
 
Nous considérons que les élections serviront d’abord à permettre au gouvernement de reprendre le contrôle de la situation, de rétablir son autorité. Elles serviront à cautionner les politiques nécessaires au capitalisme pour réchapper de sa crise. Pour le mouvement de lutte, l’erreur serait d’espérer gagner des positions en se prêtant au jeu des élections, en cherchant à battre le gouvernement sur son propre terrain. Ce serait sous-estimer l’adversaire.
 
Mais nous n'avons  pas à nous laisser imposer ce terrain miné. Nous pouvons faire dérailler la tactique électorale, la retourner contre le gouvernement pour que ce dernier sorte de l’exercice plus discrédité et affaibli que jamais.
Pour cela, il faudra refuser massivement de participer aux élections et le faire de manière organisée, visible et sonore. Il faudra nous-mêmes faire campagne – pas pour faire « sortir le vote », mais au contraire pour dénoncer cette supercherie. Il faudra surtout opposer aux élections bourgeoises l’expression d’un véritable contre-pouvoir populaire : la participation directe des masses à une lutte qui se poursuit et se développe sous des formes nouvelles. 
La grève étudiante et la question du pouvoir
En opposant au gouvernement un refus obstiné de se soumettre à ses politiques injustes et en inspirant par cette attitude courageuse la mobilisation directe de dizaines de milliers de personnes, la grève étudiante a mis à jour une contradiction fondamentale de notre société : malgré l’apparente paix sociale qui règne généralement, deux pouvoirs opposés s’affrontent, deux légitimités politiques irréconciliables se font face. D’une part les masses en lutte pour leurs conditions de vie, leur dignité et leur émancipation, d’autre part l’État bourgeois dont le rôle est de maintenir à flot l’économie capitaliste et de protéger les positions de la classe dominante. C’est ce qu’on appelle la lutte des classes. Comme on le voit partout dans le monde, le rôle de l’État bourgeois dans la lutte des classes à l’heure actuelle est de faire avaler aux populations de sévères politiques d’austérité pour rescaper le capitalisme enlisé dans la crise. La hausse des frais de scolarité au Québec fait partie du programme d’austérité. 
Le développement de cette contradiction – par l’affirmation croissante de la force des différents mouvements de lutte – met les gouvernements et les capitalistes devant un choix tactique : celui de faire des concessions (jusqu’à la prochaine bataille) ou de répondre par davantage de répression. Mais ni l’une ni l’autre de ces tactiques n’empêchera jamais les luttes de reprendre avec plus de vigueur. Lorsque cette contradiction fondamentale sera poussée à sa limite extrême, elle débouchera sur une véritable révolution. Le peuple ne luttera plus en segments séparés pour des revendications qui touchent un aspect particulier et limité de son existence : l’accès à l’éducation, le maintien des emplois et le niveau des salaires, la sécurité sociale, etc. Il
mènera un combat unifié derrière l’objectif de renverser définitivement l’État bourgeois pour enfin remplacer le système capitaliste par une société égalitaire, sans classe sociale.
 
L’intérêt de la bourgeoisie, c’est d’empêcher à tout prix le développement de cette contradiction vers une issue révolutionnaire qui lui serait fatale. Elle doit contenir l’expression du pouvoir populaire dans la lutte des classes à son niveau le plus faible. Après en avoir perdu le contrôle dans la crise sociale actuelle malgré les mesures policières et politiciennes habituelles, la bourgeoisie aura maintenant recours à une de ses
armes de prédilection pour écarter les menaces à son pouvoir : les élections.
 
Le rôle des élections dans une démocratie bourgeoise
Dans notre société capitaliste, les élections sont l’instrument par lequel la bourgeoisie réaffirme et restaure périodiquement l’autorité de son État. C’est particulièrement le cas en temps de crise, lorsque la légitimité de cet État est en chute libre et que sa capacité à gouverner est mise à mal. Les élections réaffirment la légitimité de la loi et de l’ordre. L’effet des élections est de déplacer la lutte de la rue – où le peuple se réapproprie
collectivement du pouvoir en s’exprimant et en agissant directement – vers l’espace clos de la politique parlementaire – où des politiciens professionnels parlent et agissent à la place du peuple. Or cet espace, il est tout entier contrôlé par la bourgeoisie. C’est elle qui finance les grands partis qui s’échangent le pouvoir, elle qui en dirige les appareils. C’est elle qui détient les grands groupes médiatiques qui construisent l’opinion publique et où se déroule une grande partie des campagnes électorales. Elle encore qui emploie une armée de lobbies, de groupes de pression et de « think tank » divers pour marteler son idéologie et monopoliser l’espace publique.

Le peuple, de son côté, est réduit à un acte de pouvoir dérisoire, celui du vote dans l’isoloir. Toute sa souveraineté tient en ce geste individuel : cocher une case une fois aux quatre ans. Après s’être exécutéE, le citoyen ou la citoyenne n’a plus aucun contrôle sur la marche de l’État, sur les lois et les choix budgétaires. Il ou elle n’a qu’à attendre les prochaines élections. Le pouvoir se trouve entre les mains de quelques dizaines de députéEs-ministres qui ont pleine autorité, sont pratiquement irrévocables et ne sont surtout pas tenus de respecter leurs promesses électorales. En fait le vrai pouvoir demeure entre les mains des grands capitalistes, qui financent aussi bien les caisses des partis politiques que les dettes de l’État. Ce sont eux qui détiennent les leviers économiques leur permettant d’imposer un programme politique au gouvernement, indépendamment du parti en place.
 La tête de Charest
Rétablir l’autorité de son État – tous partis confondus – contre les assemblées étudiantes, populaires, les manifestations, les actions, les revendications, c’est bien ce que la bourgeoisie québécoise espère des prochaines élections. Ses idéologues et porte-parole officieux, les éditorialistes des grands médias de masse, nous traduisent clairement son état d’esprit, et notamment ses réflexions tactiques. Ils nous ont déjà annoncé le rôle que prendront les élections dans la crise sociale. 
Ainsi André Pratte du journal La Presse : « […] les étudiants devraient reprendre leurs cours et transporter leur mobilisation de la rue aux bureaux de scrutin » (9 mai 2012). « Voilà le choix auquel font face tous les
acteurs de la crise actuelle: la démocratie ou la violence de la rue. » (22 mai 2012). En effet, il faut choisir. Et le choix des moyens politiques dépend essentiellement du camp où l’on se situe : celui du peuple ou celui de la bourgeoisie ?
Quelle tactique adopter face aux élections ?

Plusieurs seront tentéEs d’utiliser les élections pour faire avancer la lutte étudiante et la lutte populaire. Ne peut-on pas s’en servir comme d’un moyen de lutte parmi d’autres, en cherchant notamment à appuyer le « moindre mal » parmi les aspirants au pouvoir bourgeois ? Ne pourrait-on pas « voter utile » en appuyant le Parti québécois, seul capable de nous débarrasser de Charest ? Ou encore faire élire quelques députéEs de
Québec solidaire qui tiendront dans l’opposition un discours un peu plus à gauche ?

En participant aux élections – peu importe d’ailleurs pour qui l’on vote –, on participe à construire la légitimité du parti qui en sortira vainqueur. Les règles étant ce qu’elles sont, on lui reconnaît le droit d’exercer le pouvoir et d’appliquer son programme ou toute autre politique qu’il lui plaira. Ce que nous choisissons en allant voter, ce n’est pas d’abord tel ou tel parti, telle promesse électorale, ni même tel ou tel autre candidat. Ce que nous appuyons fondamentalement, ce sont les institutions du système parlementaire, c’est l’État capitaliste et la démocratie bourgeoise. Peu importent les motivations tactiques derrière notre vote, ce sont les éditorialistes qui se réserveront le droit d’en interpréter la signification et les partis électoralistes qui s’en réclameront pour justifier leurs propres actes.

Quel que soit le parti qui prendra la tête de l’État aux prochaines élections, il devra composer avec le fait que le capitalisme peine à sortir de la crise. En dépit des promesses, il devra appliquer des mesures d’austérité nécessaires au rétablissement des taux de profits. Il devra poursuivre, à quelques nuances près, les politiques des gouvernements libéraux ou péquistes des trois dernières décennies : coupures, privatisations, tarification.
Si la participation aux élections n’est pas en mesure de nous donner la victoire, doit-on pour autant rester en retrait de la campagne et attendre que la bourgeoisie se soit refait une santé politique ? Au contraire, les élections sont pour nous l’occasion d’affaiblir encore davantage le pouvoir bourgeois en coupant l’herbe sous le pied de sa légitimité. Les élections doivent résulter en un vaste désaveu de tous les partis électoralistes. Il faut pour cela encourager le rejet des élections, l’abstention – qui est déjà très élevée. Plus
encore il faut organiser ce rejet non comme une simple passivité, mais comme un mouvement qui agit et qui affirme lui-même ouvertement les raisons de sa rupture. La critique des élections doit se déployer dans une campagne d’agitation-propagande, dans des manifestations et des actions d’éclat. 
 
Enfin, la campagne électorale doit être l’occasion d’opposer au pouvoir bourgeois les seuls espaces où se situe notre réel pouvoir : nos assemblées, nos organisations, nos revendications et nos luttes pour les faire triompher. Dans le contexte actuel, ça signifie que, appuyée activement par la mobilisation des quartiers populaires, la grève étudiante doit reprendre jusqu’au retrait de la hausse des frais de scolarité et de la loi spéciale
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