Tuesday, September 6, 2016

Guerre israélienne contre les ONGs


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Guerre israélienne contre les ONGs

Ramzy Baroud – “Tu mérites de voir souffrir et mourir tes proches et ceux que tu aimes. Mais peut-être seras-tu frappé avant eux,” était une partie du message de menace reçu par un membre de l’équipe de direction d’Al-Mezan, une organisation de défense des droits de l’homme, basée à Gaza. Al-Mezan, avec trois autres organisations palestiniennes – Al-Haq, Addameer et le PCHR (Palestinian Center for Human Rights) – s’active beaucoup à faire avancer une plainte contre Israël devant l’ICC (International Criminal Court) sous l’accusation de crimes de guerre en Palestine, particulièrement durant la guerre contre Gaza en 2014.
En avril 2015, l’Autorité Palestinienne (AP) a officiellement signé le Status de Rome et dans le mois de novembre qui a suivi, les organisations sus-mentionnées ont présenté un ensemble substantiel de faits prouvant qu’Israël devait être suspecté de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Mais même avant cette date, la guerre contre les organisations non-gouvernementales (ONGs) de défense des droits de l’homme battait déjà son plein. Les restrictions imposées aux ONGs israéliennes qui s’opposent à l’occupation par Israël de la Palestine sont tout sauf récentes. Mais dans tous les cas, les pressions, les violences, les restrictions de mouvement, les intrusions violentes dans les bureaux des associations et les arrestations [kidnappings], sont les ingrédients de la politique israélienne contre les ONGs palestiniennes de défense des droits humains.
“Depuis septembre 2015, plusieurs organisations se sont retrouvées confrontées à de dures campagnes d’intimidation dont l’objectif est de les discréditer et de générer un sentiment d’insécurité dans leurs équipes de direction,” écrit Amjad Iraqi dans le journal en ligne +972Mag. “La campagne de harcèlement a culminé en menaces de mort contre deux personnes : un des premiers avocats d’Al-Mazen, et Nada Kiswanson, une juriste suédoise et palestinienne qui représente l’organisation al-Haq à la Haye.”
Israël, sans aucun doute, se sent remis en question. Il voit avec inquiétude que son premier slogan – qu’il serait un oasis de démocratie dans un aride désert d’autoritarisme – a vraiment du plomb dans l’aile. Son occupation, ses guerres et son blocus à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza, et la dissémination sur Internet et les réseaux sociaux d’informations et d’images sur ses pratiques, rend impossible la poursuite de sa hasbara [propagande] officielle. Donc, la colère l’a poussé à réagir.
La Knesset israélienne a mis les bouchées double pour voter des lois et en proposer de nouvelles afin de limiter le travail des ONGs de défense des droits humains comme de toute organisation civile qui paraîtrait critique à l’égard du gouvernement, et montrerait de la sympathie pour les Palestiniens.

Des lois liberticides

La “Loi sur les ONGs” est maintenant effective. Elle oblige ces ONGs à déclarer leurs sources de financement et punit celles qui s’en abstiennent. Elle permet aussi de prélever de lourdes taxes sur ces financements, même s’ils sont dûment déclarés. L’Union Européenne et le gouvernement des États-Unis ont prévenu Israël contre ce genre de lois. La loi sur les financements des ONGs est cependant rédigée dans une terminologie si opaque que cela permet au gouvernement israélien de s’en prendre à ces organisations sans paraître trop vindicatif ou politiquement motivé.
« Ce qui arrive en Israël aujourd’hui, c’est le fascisme, » a déclaré David Tartakover, cité par le journal britannique The Guardian. Tartakover – l’artiste qui a conçu le logo de la campagne « la Paix Maintenant » dans les années 70 – parle « d’une régulière poussée dans les restrictions » qui a débuté en 1995 (à la suite de l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin sous les coups d’un juif d’extrême-droite) mais qui s’est accélérée à partir de l’année dernière.
Un exemple parmi d’autres est la loi sur « la loyauté dans la Culture » qui, selon Michael Griffiths, rappelle « quelque chose comme le roman ‘1984’ ». Mais il ne s’agit pas de fiction. Cette loi s’attaque aux artistes et aux auteurs et saisit les fonds des organisations dont la production est considérée comme contestable par les dirigeants politiques israéliens.
Ceci a conduit à la censure du roman « Borderlife » écrit par l’israélienne Dorit Rabinyan, qui dépeint une histoire d’amour entre un homme palestinien et une femme juive. Le ministre israélien de l’Éducation, l’ultra réactionnaire Naftali Bannett, a interdit le roman sous le prétexte qu’il serait une défense d’une « assimilation » entre juifs et arabes.
Avec aujourd’hui le gouvernement le plus réactionnaire de toute l’histoire israélienne, et un parlement du même acabit, l’avalanche de lois répressives va très probablement se poursuivre.

Un débordement de propos violents et racistes

Cependant, alors qu’en Israël les organisations et les artistes dissidents sont menacés par la censure et la confiscation de leurs fonds, les Palestiniens sont soumis à des conséquences bien plus graves. Pour s’en faire une idée, il suffit de relever le langage utilisé dans une conférence organisée il y a peu par le journal israélien « Yediot Aharonot ».
Selon le journaliste d’investigation Richard Silverstein, la conférence, qui passa l’essentiel de son temps à s’en prendre à la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions), s’est transformée en « véritable carnaval de haine ».
« Depuis les ex-célébrités hollywoodiennes jusqu’aux ministres en exercice et le chef de l’opposition… tout le monde a juré fidélité à la cause, » écrit-il.
S’y trouvaient des officiels de premier rang, dont le ministre en charge du renseignement, Israël Katz qui avait appelé au « meurtre civil ciblé » des responsables de la campagne BDS comme Omar Barghouti. Toujours selon Silverstein, les termes employés par Katz étaient “sikul ezrahi memukad” « dérivant de l’expression en hébreu qui sert d’euphémisme pour parler de l’assassinat ciblé d’un terroriste, ce qui littéralement signifie « une mise en échec ciblée ».
Travaillant main dans la main avec divers gouvernements occidentaux, la perception israélienne du mouvement non-violent BDS en arrive au point de vouloir traiter un mouvement de la société civile comme une organisation criminelle. Le mouvement BDS a de façon constante exigé des comptes de la part des gouvernements et entreprises en Occident qui collaborent d’une manière ou d’une autre aux violations israéliennes des droits humains et de la loi internationale.

Un fascisme qui tend à se répandre ?

Les récentes menaces de mort contre des militants des droits humains – qui ne font que réclamer le respect de la loi internationale et la justice pour les milliers de Gazaouis civils tués durant les dernières guerres – représentent une évolution toute logique dans l’activisme permanent d’Israël.
Tandis que restreindre l’activité des organisations indépendantes de défense du droit est une affaire habituelle pour les gouvernements du Moyen-Orient, la campagne israélienne actuelle n’en est que plus dangereuse du fait qu’elle reçoit très peu de couverture médiatique et trouve même un certain soutien auprès du gouvernement des États-Unis et d’autres gouvernements occidentaux.
Une des dernières manifestations en est la loi récemment votée au parlement (majorité Démocrate) du New-Jersey et signée par le gouverneur Chris Christie. Le New-Jersey est maintenant le dernier en date des états US à avoir mis hors la loi la campagne BDS et à menacer de représailles les compagnies qui appliquent le boycott d’Israël.
Si la pression s’avère insuffisante, Israël va continuer à s’attaquer aux ONGs, à menacer leurs militants et à restreindre les activités de quiconque se permettra d’être critique.
« Ce qui se passe aujourd’hui en Israël, c’est du fascisme, » nous dit Tartakover. Et il a bien évidemment raison !
vendredi 2 septembre 2016

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